Améliorer la participation au dépistage des cancers du sein : innovations et perspectives
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En France, depuis 2004, les femmes âgées de 50 à 74 ans sont invitées à participer à un dépistage organisé des cancers du sein tous les deux ans. Ce dépistage est un enjeu majeur de santé publique.
Plusieurs projets innovants ont récemment vu le jour pour améliorer la détection précoce et personnaliser le suivi des femmes. Découvrons certains de ces projets, soutenus par l’Institut national du cancer, qui façonnent le dépistage de demain.
Adapter le dépistage au profil de chaque femme : le projet MyPeBS
Porté par la Dr Suzette Delaloge, oncologue et chercheuse à l’Institut Gustave Roussy, MyPeBS (My Personal Breast Screening) est un essai clinique international lancé en 2018. Ce projet est financé par l’Union européenne (programme Horizon 2020) et, en France, par la DGOS via le programme hospitalier de recherche clinique en cancérologie en 2017 (PHRC-K 2017) piloté par l’Institut national du cancer (INCa).
Cette étude a pour but de comparer deux approches de dépistage chez les femmes de 40 à 70 ans.
L’étude inclut 85 000 femmes dans huit pays, dont 20 000 en France. Deux groupes ont été constitués :
- Un groupe suit le dépistage organisé standard (une mammographie tous les deux ans).
- L’autre bénéficie d’un dépistage personnalisé, avec une fréquence et des modalités d’examen ajustées selon leur niveau de risque, combinant des données génétiques (test ADN sur salive) et non génétiques (antécédents familiaux, modes de vie).
Chaque femme du groupe personnalisé bénéficie d’une visite médicale complémentaire pour interpréter son niveau de risque et programmer un suivi adapté.
L’étude MyPeBS poursuit trois objectifs principaux :
- Évaluer l’efficacité clinique d’un dépistage personnalisé en comparant le nombre de cancers invasifs détectés et les taux de mortalité entre les deux stratégies (standard et personnalisé).
- Analyser l’acceptabilité du dépistage personnalisé en mesurant la perception des participantes, leur adhésion au protocole et leur ressenti face à la fréquence et aux modalités des examens.
- Réaliser une évaluation médico-économique pour déterminer la viabilité et le rapport coût-bénéfice d’une telle approche, tant pour les systèmes de santé que pour les patientes elles-mêmes.
En France, l’INCa suit le projet au niveau national et la coordination locale s’appuie sur le réseau Unicancer. Plus de 1 000 médecins et scientifiques participent activement au protocole, avec le soutien d’associations de patientes pour garantir l’appropriation des démarches éthiques et la clarté de l’information.
Le suivi des patientes est prévu jusqu’en 2027. Les résultats pourraient permettre une évolution du dépistage des cancers du sein avec notamment :
- une invitation modulée selon le niveau de risque individuel,
- la possibilité de coupler la mammographie avec des tests génétiques et des questionnaires détaillés sur le mode de vie,
- le renforcement des actions d’information et de soutien aux patientes pour une prise de décision éclairée.
Pour plus d'informations sur le site MyPeBS.
Mieux comprendre les inégalités face au dépistage : le projet CONSTANCES
Certaines femmes participent moins aux dépistages organisés des cancers du sein et du col de l’utérus, bien qu’elles présentent un risque plus élevé. C’est le cas notamment des femmes en situation d’obésité ou atteintes de diabète.
Ces pathologies sont associées à un risque accru de cancer du sein et du col de l’utérus, mais aussi à une plus faible participation aux campagnes de dépistage organisé. La gêne liée à son corps ou le manque d'équipements adaptés dans les centres de dépistage peuvent, en partie, expliquer cela. De plus, ces femmes évitent souvent les consultations gynécologiques en raison de la stigmatisation ou de la peur de la douleur.
Détecter un cancer à un stade précoce chez ces femmes permettrait de réduire la mortalité liée à ces cancers.
Ce projet de recherche a été lancé en 2014. Il est porté par le Dr Gwen Menvielle, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm. Il s’appuie sur la cohorte CONSTANCES, qui suit 220 000 femmes volontaires en France, et poursuit quatre objectifs :
- Evaluer si l’obésité ou le diabète influencent le recours au dépistage.
- Mesurer les inégalités sociales de dépistage chez ces femmes et les comparer à celles des femmes sans diabète ou sans obésité.
- Comprendre si ces pathologies renforcent les inégalités sociales dans l’accès au dépistage.
- Étudier si l’obésité peut expliquer des différences de participation selon l’origine migratoire et si ces différences varient selon le niveau social.
L’enjeu du projet est de réduire ces inégalités pour que toutes les femmes, quel que soit leur profil de santé ou leur environnement, puissent accéder à la prévention des cancers et au dépistage.
Pour plus d'informations, consulter le site CONSTANCES.
Aller vers les femmes : le projet Mammobile
Certaines femmes ne peuvent pas ou rencontrent des difficultés à se déplacer pour se faire dépister des cancers du sein et du col de l’utérus. C’est le cas, par exemple, des femmes isolées, vivant dans des zones rurales ou prioritaires, ou peu informées sur le dépistage. Le projet Mammobile répond à ce défi en allant à leur rencontre. Lancé en 2019, il est porté par le Professeur en santé publique et épidémiologie, Guy Launoy.
La Mammobile est un camion aménagé qui circule en Normandie. À son bord, un appareil de mammographie et une équipe formée pour accueillir, informer et réaliser une première image des seins.
Il s’agit d’un premier contact, une mammographie d’amorce qui ne remplace par le dépistage organisé. En effet, il n’y a pas de seconde lecture des clichés ni d’examen clinique des seins réalisé par un professionnel de santé. Les images sont transférées vers un centre agréé, qui peut ensuite proposer un dépistage complet si nécessaire.
L’objectif est de lever les freins — liés à la peur, la méconnaissance, et l’isolement — et de réintégrer ces femmes dans le parcours de dépistage organisé des cancers du sein.
D’autres collectivités, comme la région Occitanie pour le dépistage des cancers du sein, ou les départements de l’Aude et de l’Hérault pour le dépistage des cancers du col de l’utérus ont mis en place des dispositifs similaires. Leur évaluation doit permettre de valider leur efficacité et d’envisager une généralisation à d’autres régions.
Une recherche d’amélioration continue
L’Institut national du cancer travaille avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) à la mise en place d’une base nationale pour recueillir l’ensemble des résultats des dépistages organisés des cancers. L’objectif est d’affiner les invitations des personnes, notamment de caractériser celles à haut risque pour mieux les orienter (adaptations des modalités de dépistages ou de suivis médicaux par exemple).
Parmi les voies d’évolution du dépistage organisé des cancers du sein, il y a également un travail en cours sur le suivi adapté pour les femmes à risque aggravé (antécédents personnels ou familiaux et prédispositions génétiques).
Le dépistage actuel repose principalement sur l’imagerie, avec des contraintes de ressources, notamment médicales, et le risque de faillibilité inhérent à une interprétation humaine des images. Afin de pallier ces limitations, l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus intégrée aux stratégies de dépistage et de diagnostic. Des algorithmes d'apprentissage profond (deep learning) sont en cours de développement pour analyser les mammographies, détecter les anomalies subtiles et réduire les faux négatifs.
En continuant à innover et à adapter les stratégies de dépistage, nous pouvons espérer réduire les inégalités et améliorer la détection précoce des cancers du sein. L’avenir du dépistage repose sur une approche intégrée, combinant technologie, recherche et sensibilisation pour offrir à chaque femme les meilleures chances de prévention et de traitement.